La crypto-monnaie ou monnaie cryptographique, cyber-monnaie, crypto-devise, crypto-actif est une monnaie digitale émise de pair à pair, sans l’intervention d’une banque centrale (pour vérifier les transactions) utilisable au moyen d’un réseau informatique décentralisé.
Les récentes actualités sur la question font état de l’adoption (26 Avril 2022) par la République Centrafricaine (RCA) du Bitcoin (crypto monnaie privée) comme monnaie légale et officielle au sein de ce pays. Il suivait ainsi, moins d’un an après, le Salvador qui s’y est engagé en octobre 2021 et l’entrée en vigueur la même année du eNaira au Nigéria, de l’e-celi au Ghana. Les nombreux scandales drainés par les structures de transactions de bitcoins et surtout le fait que d’après les statistiques de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), en fin 2022, « près de 90 % des banques centrales dans le monde ont engagé des études et parfois fait les premiers pas vers le lancement d’une Monnaie Digitale de Banque Centrale (MDBC) ». Les exemples de l’archipel de Maurice, de la Banque d’Algérie, du Maroc, de la Tanzanie, de l’Egypte qui a lancé en 2022 une étude pour l’e-EGP et bien d’autres comme la Chine et les Etats-Unis sont cités.
« En deux ans, le nombre de pays aspirant à la conversion à la monnaie numérique est passé de 35 à 130 pays, ce qui représente 98% de l’économie mondiale », selon le rapport du centre d’études américain Atlantic Council, publié le 28 juin 2023 et cité par le journal Digital Business Africa. Les banques centrales de 11 pays ont déjà lancé les versions numériques de leurs monnaies nationales dont celles des Caraïbes et du Nigeria.
Au regard de ces faits d’actualité, le Centre National de Développement de l’Informatique (CENADI), par ailleurs Conseil du Gouvernement sur les questions informatiques a jugé utile de mettre en exergue les enjeux stratégiques face à la disruption probable que pourrait entrainer ce phénomène pour notre économie si certaines dispositions ne sont pas prises.
L’engagement pour la crypto-monnaie des pays voisins (RCA et Nigéria) avec lesquels le Cameroun entretient d’importants échanges commerciaux, le place au confluent des deux principaux types de crypto-monnaies dont une monnaie digitale de banque centrale (publique) et les crypto-monnaies privées. La tentation pour les populations est grande de s’affranchir des instruments de régulation et de contrôle mis en place par la BEAC et la COBAC. Au pire d’effectuer des transactions sans que l’Etat ne puisse en connaitre la nature ou en tirer le moindre centime relatif à la fiscalité.
Les options envisagées
Le Cameroun pourrait ne rien entreprendre face à cette situation. Ce qui équivaut à laisser prospérer les paradis fiscaux d’un genre nouveau avec des effets potentiellement dévastateurs pour notre économie.
Notre pays pourrait opter d’agir en collégialité avec les autres membres de la CEMAC pour demander à la BEAC d’émettre une crypto-monnaie de type MDBC arrimée au Franc CFA. Une option qui serait improductive au regard des accords de coopération monétaire qui lient cette instance à la France et qui la contraindrait à mener de profondes réformes structurelles (conditions préalables) sur le franc CFA notamment sa convertibilité, l’unité de compte, l’interopérabilité, sa cession…
Pour se prémunir, notre pays doit agir seul en développant un programme de capacitation en technologie de blockchain /crypto-assets. L’objectif étant de constituer un portefeuille de crypto-actifs destinés par exemple à certaines dépenses de souveraineté. Il s’agit aussi, de par le biais des transactions au sein de l’écosystème, de comprendre de manière précise les habitudes de nos populations et celles de la sous-région et être en mesure d’apporter des réformes fiscales, juridiques et réglementaires pertinentes dans l’intérêt supérieur du Cameroun. Cette démarche a été adoptée par 87% des pays au monde plus la RCA. Seules la BEAC, la BCEAO et les pays en conflits, en situation de précarité ou d’instabilité restent à la traine.
Cette option permettra de doter progressivement notre pays d’une capacité technique et opérationnelle à exploiter au besoin une plateforme de crypto-monnaie dont le but n’est pas de violer ou outrepasser les cadres juridiques et règlementaires auxquels il a librement consentis, mais de faire face aux visées expansionnistes des monnaies digitales publiques et privées, portées par des lobbies et certains Etats, mais qui à terme ne sont rien d’autres que des « Chevaux de Troies » donc en apparence inoffensives mais qui pourraient être préjudiciables plus tard.
A la faveur d’une mission à New York, USA auprès d’IBM, l’un des partenaires stratégiques du CENADI depuis bientôt trente ans, d’importants échanges ont eu lieu entre le top management et le Vice-Président d’IBM responsable du département crypto-monnaies pour le secteur publique et règlementation juridique. M. Tejasvi Chugh, Vice President Strategy and Corporate Development d’IBM.
De ces échanges, il ressort que les crypto-paiements restent une opportunité exceptionnelle pour l’Afrique qui tient à densifier les échanges Sud-Sud sans systématiquement que ces transactions financières s’adossent sur des monnaies de références à l’instar de l’Euro ou du Dollars. Si nous prenons en compte le cas du Cameroun et du Nigeria qui partagent non seulement une longue frontière de près de 1690 km et des échanges économiques importants, l’hypothèse de disposer d’un cadre commercial d’échange en token cryptographiques pour ses opérateurs économiques est susceptible d’améliorer significativement la balance de paiement des deux Etats. Tout en réduisant leur dépendance aux devises de l’Euro et du dollar qui sous-tendent les monnaies locales respectives des deux pays.
Le CENADI, de concert avec IBM, travaille à élaborer le cadre expérimental d’un Hackaton digital qui permettra de mettre autour de la table en plus de la communauté des développeurs, des experts fiscaux, douaniers, juristes, la banque centrale, et les opérateurs économiques à l’effet d’éprouver les scenarii de faisabilité qui pourraient faire l’objet d’une implémentation grandeur nature portant sur un cross-border payment eNaira # eCFAToken.
Cette expérience pourrait s’appuyer sur l’infrastructure mainframe IBM z14r1 déployé au CENADI qui dispose d’ores et déjà des processeurs cryptographiques nécessaire pour garantir la non-répudiation et la sincérité des écritures sur une blockchain privée.