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Datacenters au Cameroun : Une Étude Révélatrice pour la Souveraineté Numérique

La récente cérémonie officielle de présentation des résultats de l’étude sur les Datacenters au Cameroun, a mis en lumière des enjeux importants pour l’avenir numérique du pays. Réalisée sur trois ans, cette étude approfondie du CENADI, a révélé le rôle central des Datacenters dans l’atteinte de la souveraineté numérique, la stimulation de la croissance économique et l’amélioration des services. Au-delà du discours du Ministre des Finances, la cérémonie a été marquée par deux présentations dont la première axée sur les résultats de l’étude et l’autre sur le thème « souveraineté numérique des États africains face à l’Intelligence Artificielle ». Les échanges, qui ont suivi les présentations, ont souligné les défis et les opportunités, dessinant une feuille de route pour une transformation numérique ambitieuse.

Synthèse des Présentations

Mme Eve Amvene Aline Fernande Linda, chargée d’études à la Division des Études et Projets, a débuté la présentation des résultats de l’étude par le contexte de sa mise en œuvre marqué par la demande croissante en services numériques (cloud, IoT, e-services), la faible conformité aux normes internationales (ISO, TIA), l’absence de stratégie nationale consolidée sur les infrastructures numériques et la dépendance excessive aux Datacenters étrangers pour l’hébergement de données sensibles.

Dans cette étude intitulée « Datacenter au Cameroun : Compétitivité et viabilité », un rapport de 269 pages pour le document en français et 252 pages pour la version anglaise, on y trouve défini divers types de Datacenters (entreprise, colocation, cloud, souverain, hyperscale, modulaire, de périphérie, de services gérés) et identifié dix compétences clés nécessaires à leur bon fonctionnement, allant de la conception à la gestion des opérations et de la sécurité.

La méthodologie employée a combiné des modèles statiques, comme le Data Center Maturity, Performance and Security Model (DCMPS) évaluant l’efficacité énergétique, la disponibilité, la sécurité physique et des systèmes informatiques, et des modèles dynamiques, utilisant des outils tels que le SWOT et le TOGAF, pour évaluer la compétitivité et la viabilité.

Les principaux résultats sont éloquents : la majorité des Datacenters camerounais sont de TIER I ou II, aucune certification ISO 27001 n’est détenue, le système de refroidissement est majoritairement à air, et une forte vulnérabilité énergétique due à la dépendance à ENEO est constatée.

Malgré ces constats, l’étude a souligné des valeurs stratégiques indéniables : une cartographie des infrastructures existantes, une base solide pour la planification stratégique et les politiques numériques, un encouragement pour les investissements privés/publics, une aide à la transformation digitale de l’État (e-santé, IA, blockchain) et un appui à la transition énergétique.

Les recommandations formulées se divisent en actions à court terme (améliorer la qualité des services, renforcer la sécurité, développer la R&D notamment en IA) et à moyen/long terme (investir dans les infrastructures, instaurer une gouvernance des données, favoriser la mutualisation et mettre en place un cadre réglementaire et incitatif). La conclusion est claire : le Cameroun possède un potentiel important mais sous-exploité, et la viabilité économique des Datacenters passe impérativement par l’intégration de ces recommandations.

A propos de la seconde présentation portant surla Souveraineté Numérique des Etats africains à l’Ère de l’IA, M. Goddy Epie Ngene, Chef de la Division de l’Exploitation et des Logiciels, a souligné que la donnée estl’« or du XXIe siècle » et que l’IA représente une révolution plus disruptive que la révolution industrielle. Le danger des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) a été évoqué comme une menace de colonisation numérique et de perte de contrôle sur les données.

Les menaces actuelles incluent l’utilisation massive de messageries grand public (Gmail, WhatsApp) dans les administrations et des modèles de gouvernance tolérants et dépendants de normes extérieures. Cependant, des opportunités existent : définir les données d’importancevitale (OIV/SAIV), déployer des Datacenters souverains, mettre en place une stratégie anti-GAFAM et valoriser les ressources humaines techniques en data, IA, sécurité et cloud.

Des Défis aux Solutions

Les échanges, animés par le Pr Mveh Chantal Marguerite, Directeur du CENADI, ont mis en lumière plusieurs défis majeurs nécessitant une attention particulière dans le développement de l’écosystème des datacenters au Cameroun. Les participants ont exprimé des préoccupations concrètes et formulé des recommandations pertinentes pour orienter les politiques futures.

L’un des points les plus débattus a concerné la question énergétique. Le Pr Annie Wakata, Secrétaire Générale de l’Université de Yaoundé I, a souligné le décalage entre les besoins croissants en puissance de calcul et les capacités financières limitées des institutions publiques, illustrant son propos par le cas concret du datacenter de l’ENSPY dont le budget annuel de fonctionnement ne dépasse pas 10 millions de FCFA. Cette situation pose l’épineux problème du modèle économique viable pour les infrastructures publiques.

La sécurité des données a également émergé comme une préoccupation majeure. Les représentants de l’ONUSIDA et du FMI ont insisté sur l’urgence de renforcer les normes de sécurité, particulièrement dans un contexte où les administrations utilisent massivement des services étrangers comme Gmail et WhatsApp pour traiter des données sensibles. Cette pratique expose le pays à des risques importants de fuite ou de captation de données par des acteurs externes.

La prise en compte des infrastructures universitaires dans la stratégie nationale a fait l’objet d’un échange animé. Alors que l’étude initiale n’avait pas intégré les universités dans l’échantillon de collecte des données, le Pr ATSA Roger du MINESUP a tenu à rappeler l’existence du réseau du CDNU et des nœuds interconnectés dans les universités. Ce débat a mis en lumière la nécessité d’une approche plus inclusive dans les prochaines versions de l’étude.

En réponse à ces préoccupations, le Directeur du CENADI a reconnu la nécessité d’une mise à jour régulière des données et plaidé pour une approche collaborative. Elle a particulièrement insisté sur l’importance de développer des modèles économiques adaptés aux spécificités des différents types de datacenter, qu’ils soient publics, privés ou universitaires. « L’absence de rentabilité des infrastructures publiques n’est pas une fatalité, mais elle nécessite une réflexion approfondie sur leur modèle de gouvernance et de financement », a-t-elle déclaré.

Ces échanges ont révélé la complexité des enjeux mais aussi la volonté commune des différents acteurs de travailler à des solutions concertées. La reconnaissance des lacunes actuelles et l’engagement à les combler constituent des signes encourageants pour l’avenir du secteur.

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